Malgré quelques annonces flamboyantes, les exportations de voitures électriques chinoises semblent marquer le pas depuis le début de l’année, avec une tendance nettement à la baisse en février.
Les voitures électriques chinoises sont-elles vraiment en train d’envahir le marché mondial ? Et surtout, le marché européen ? Eh bien, en fait les derniers chiffres racontent une autre histoire. Dans cette vidéo, nous allons voir que l’invasion tant redoutée des voitures électriques chinoises est encore très loin d’être une réalité, et que la dernière tendance – très étonnante – montre même le contraire, autrement dit un reflux des ventes !
Alors que se passe-t-il avec les constructeurs chinois et quelles sont les raisons de ce retour de flamme ? Voici l’explication en 5 points essentiels.
Une grosse baisse en Europe
Contre toute attente, en février 2025, les exportations de voitures électriques chinoises au niveau mondial ont marqué un net recul, avec une diminution de 18 % par rapport à la même période de l’année précédente, et même près de 50% sur certains marchés, notamment en Europe et en Asie, selon les chiffres de la Douane chinoise.
Encore plus étonnant : la part de marché des nouvelles immatriculations de voitures électriques chinoises en Europe est tombée à son plus bas niveau depuis deux ans. En effet, les marques chinoises représentaient seulement 6,9 % des immatriculations de véhicules 100 % électriques en février en Europe, ce qui est le plus bas niveau depuis février 2023.
Pour vous la faire simple, les ventes de voitures électriques chinoises en Europe ont baissé de 30% entre février 2024 et février 2025, et 30% c’est quand même un sacré gadin !
Un exemple : la Belgique, premier importateur européen, affiche une baisse de 41 % des ventes. Là ce n’est plus un gadin mais une véritable dégringolade !
Autre chiffre à retenir, et qui va un peu bousculer les idées reçues : la part de marché des voitures électriques chinoises en Europe reste très faible, en-dessous de 5 %. Pour la France, selon les sources, on serait plutôt entre 1,5% et 3%.
Des baisses même dans des pays habituellement gros clients
Si l’Europe est pour le moment le principal marché dans le viseur des constructeurs chinois, n’oublions pas que d’autres régions sont également concernées, avec pourtant moins de barrières à l’entrée. L’Océanie – et notamment l’Australie, gros client de voitures chinoises – voit aussi ses importations diminuer de 11 %.
L’Asie reste le principal débouché pour les voitures électriques chinoises. Mais tout ne va pas pour le mieux là-bas non plus. En Thaïlande par exemple, la baisse est de 17 %. En Corée du Sud, elle est de 51 %, alors que des constructeurs comme Kia et Hyundai continuent à développer rapidement des gammes attractives, ce qui freine quelque peu les importations chinoises dans ce pays. Il se dit aussi que le marché souffrirait dans certains pays asiatiques d’un manque d’adéquation entre l’offre de voitures électriques et l’infrastructure de recharge, à la traîne, ce qui aurait pour effet de refroidir l’enthousiasme d’éventuels acheteurs.
De l’autre côté du globe, en Amérique du Nord, ce marché tant convoité est pour le moment inexistant pour les constructeurs chinois, avec seulement 163 unités exportées en février, autant dire rien, ce qui s’explique par le fait qu’aux États-Unis et au Canada, les droits de douane sur les véhicules électriques chinois sont passés à 100% en 2024. Concrètement, si tu achètes une voiture chinoise à 35 000 dollars aux US, elle te coûte 70 000 dollars, sans compter les autres taxes qui viennent s’ajouter à la note. Clairement, et sans complexes, les USA et le Canada ont dit NIET aux marques chinoises.
Quelques exceptions, notamment en Amérique Latine
En Amérique latine en revanche, ça ne se passe pas trop mal, puisque les ventes explosent. Le Mexique a vu ses importations bondir de 623 % en un an. Au Brésil, les voitures électriques chinoises représentent 82 % du marché, et BYD, encore lui, occupe 70 % de ces ventes. Pourquoi ça marche là-bas ? Parce qu’il n’y a pas de droits de douane ni de restrictions, peu d’industrie automobile locale, et que l’offre chinoise y trouve un terrain presque vierge.
Ailleurs enfin, deux autres pays connaissent une forte croissance des immatriculations de voitures chinoises : L’Indonésie, avec une progression de 79%, et la Turquie, avec 131%.
Alors, pourquoi ce gadin en Europe au premier trimestre 2025 ?
Des droits de douane qui tabassent les marques chinoises
Parmi les principales causes de cette baisse, on le sait, l’introduction de droits de douane supplémentaires par l’Union européenne l’an dernier a fortement ralenti la progression des constructeurs chinois. Ces taxes, qui peuvent aller de 27% pour BYD à 45 % pour MG pèsent particulièrement sur les ventes, même si BYD a cependant connu une belle progression en 2024.
L’Union européenne a récemment introduit des droits de douane sur les véhicules électriques chinois, en réponse à des subventions du gouvernement chinois perçues comme un avantage concurrentiel injuste. Ces taxes — décidément très à la mode par les temps qui courent — renchérissent les prix à l’importation, ce qui rend évidemment les modèles chinois moins attractifs face aux productions locales. On peut donc dire que, de ce point de vue, l’objectif des autorités de l’Union Européenne semble atteint. D’autre part — et cette donnée n’entre généralement dans aucune statistique — il ne faut pas sous-estimer le sursaut « patriotique » de nos concitoyens, dont certains ne lâcheront jamais un centime sur un produit de marque chinoise. C’est d’ailleurs peut-être le critère qui pèsera le plus lourd dans la balance, et qui fera que la part de marché des voitures électriques chinoises en Europe restera relativement limitée. C’est en tout cas ma conviction, et j’y reviendrai à la fin de cette vidéo avec un chiffre.
À ce sujet, je rappelle que plus de la moitié des ventes de voitures électrifiées chinoises se fait sur le marché domestique chinois. On parle beaucoup d’expansion à l’international, mais c’est d’abord en Chine que se vendent les voitures chinoises. Ce ratio grimpe même à plus de 85% pour BYD. En décembre 2024, par exemple, BYD n’a réalisé que 12% de ses ventes à l’international.
La prétendue avance technologique des voitures chinoises est un leurre
S’il est vrai que plusieurs modèles chinois intègrent des technologies avancées, il ne faut pas croire que toutes les voitures chinoises sont des vitrines de haute technologie. D’autre part, les développeurs chinois ont cette petite tendance à vouloir blinder leurs interfaces de fonctionnalités pas toujours très utiles, organisées parfois de façon un peu brouillonne sur une tablette centrale avec un système d’exploitation qui n’est rien d’autre que du Android légèrement modifié. Résultat, des menus parfois indigestes, dans lesquels le simple fait de trouver une commande basique relève du parcours du combattant. De plus, côté efficience, autonomie et comportement routier, à quelques exceptions près, on est encore assez loin du compte. Bref, les marques chinoises communiquent fort en essayant d’en mettre plein la vue sur leur technologie – et certes elle est présente – mais elle ne fait souvent pas mieux que de bons modèles européens, et souvent moins bien que Tesla, qui reste la référence dans ce domaine. C’est aussi un sujet de méfiance de la part des consommateurs européens, auprès de qui cette poudre aux yeux ne fonctionne pas toujours.
Les voitures chinoises ne sont pas aussi bon marché
Beaucoup pensent que les marques chinoises envahissent l’Europe avec des véhicules low cost. Si certains constructeurs comme MG ont lancé des modèles abordables (notamment le MG ZS EV) ou Leapmotor avec la TO3, cette stratégie ne représente pas l’ensemble des marques chinoises. En tout cas, pas encore. Des constructeurs comme NIO ou Xpeng visent d’abord – et pour le moment – le segment premium avec des véhicules technologiques au tarif concurrentiel, mais loin des « prix cassés ». De plus, le coût de production en Chine a augmenté avec les salaires ces dernières années, et les véhicules chinois doivent donc faire face à des taxes à l’importation en Europe, et à des coûts induits par les accords avec les distributeurs, et la construction de réseaux de concessions. Les différences de prix ne sont donc pas aussi marquées qu’on pourrait le croire, et les modèles premium peuvent même rivaliser en coût avec des marques comme Audi ou Mercedes. Et sont souvent plus chers qu’une Tesla de version correspondante. Un exemple : hors promotion spéciale, et au moment où j’enregistre cette vidéo, une BYD Seal Design coûte 46 990 €, alors que la Tesla Model 3 correspondante, la Propulsion Grande Autonomie, coûte 44 990 €, soit 2 000 € de moins, avec sur le papier 130 km d’autonomie en plus.
Alors certes, certains constructeurs chinois peuvent parfois proposer des modèles bien en dessous des tarifs de la concurrence sur un segment particulier et/ou pendant une promotion spéciale, mais cela n’en fait pas une généralité.
Des marques trop “exotiques” et un “nationalisme” européen
En Europe, la situation reste donc incertaine pour les marques chinoises, qui doivent composer avec des barrières tarifaires et une concurrence locale bien organisée. D’ailleurs, même le recul de Tesla, affaibli par les polémiques autour d’Elon Musk – comme nous l’avons vu dans ma précédente vidéo – ne semble pas les avoir spécialement favorisées. Si BYD semble aujourd’hui solidement installée, la compétition reste vive. De plus, l’arrivée imminente de la version restylée du Tesla Model Y pourrait rebattre encore une fois les cartes.
En France, par exemple, qui est quand même le deuxième marché automobile européen, aucune voiture chinoise ne figure dans le top 20 des ventes des derniers mois. Les raisons sont multiples : des noms de marques souvent méconnus ou difficiles à prononcer, et des gammes de produits confuses et parfois peu lisibles. Mais au-delà de la reconnaissance de marque, une méfiance persistante freine l’adoption des VE chinois. Malgré des progrès technologiques indéniables, notamment dans les batteries, ces véhicules peuvent pour certains souffrir d’une image de produits bon marché, parfois perçus comme moins fiables que leurs concurrents européens.
Alors, que faut-il déduire de ces chiffres ? N’allons pas trop vite en besogne et ne tirons pas de conclusions hâtives à partir d’une baisse sur quelques semaines. On sait aussi que les constructeurs chinois ne renonceront certainement pas à leurs ambitions de conquérir de nouveaux marchés, d’autant que leur offre pléthorique adressant tous les segments est de nature à s’adapter à la demande partout dans le monde. Pour cela ils sont d’ailleurs prêts à revoir leur offre au profit de l’hybride, par exemple, au détriment du 100% électrique, comme le fait MG actuellement. Chez BYD aussi, mais le constructeur applique en plus une autre stratégie, celle d’ouvrir des usines en Europe.
Les marques européennes réagissent et s’adaptent
Mais, même sans boule de cristal, il est envisageable que le raz de marée tant attendu — ou tant redouté — n’ait pas lieu de sitôt, et qu’il ne se produira peut-être même jamais.
Et maintenant je vais donc vous donner comme promis mon point de vue, avec un chiffre. Mon humble avis sur le sujet n’a pas changé : je mise sur une part de marché des constructeurs chinois en Europe qui va continuer à croître pour finalement se stabiliser d’ici à 2030 aux alentours de 12 à 15%. Bien sûr, la donne sera différente dans les régions du monde qui n’appliquent pas de taxes à l’importation, où, selon certains analystes, les parts de marché de l’électrique chinois pourraient atteindre les 45%. Mais là je parle bien pour la part de marché en Europe, donc – je le répète – entre 12 et 15%.
Car d’ici-là les européens auront très probablement rattrapé leur retard technologique et commercial, ce qu’ils sont déjà en train de faire, puisque les chiffres du premier trimestre montrent qu’en France, deuxième marché européen, il n’y aucune voiture chinoise dans le Top 20 des ventes au premier trimestre 2025. Le tableau est presque le même au niveau européen, à une exception près, celle de la BYD Seal U, qui ferme la marche à la dernière place du Top 20. Et parfois même, il arrive que quand une voiture asiatique est en tête des ventes quelque-part en Europe, ce n’est pas une chinoise, mais une coréenne.
Alors, l’Europe serait-elle en train de devenir le village gaulois de la voiture électrique ? En tout cas, entre les polémiques Musk/Tesla et la crainte de l’envahisseur chinois, on a vu que même l’achat d’une voiture tendait à devenir un acte politique. C’est peut-être sur ce point que les constructeurs européens ont une carte à jouer finalement, et, pourquoi pas, un boulevard qui s’ouvre devant eux.