Un “Superpool” d’émissions : les constructeurs automobiles cherchent à s’associer à Tesla.
Face aux normes européennes toujours plus strictes sur les émissions de CO₂ de la réglementation CAFE, plusieurs grands constructeurs automobiles, dont Toyota, Stellantis, Ford et Mazda, envisagent de former un “Superpool” avec Tesla pour éviter de lourdes amendes en 2025. Cette stratégie repose sur l’utilisation des crédits carbone générés par Tesla grâce à ses véhicules électriques, afin de réduire l’empreinte carbone moyenne de leurs flottes.
Des objectifs européens renforcés pour 2025, un CAFE au goût amer
L’Union européenne exige que les émissions moyennes des voitures neuves passent de 106,6 g/km en 2024 à seulement 93,6 g/km en 2025. Chaque constructeur a un objectif spécifique, calculé en fonction de la composition de sa flotte. Le non-respect de ces seuils pourrait engendrer des sanctions financières atteignant plusieurs milliards d’euros.
Pour répondre à ces exigences, le mécanisme de pooling permet à plusieurs marques de regrouper leurs émissions. En intégrant Tesla, leader mondial des véhicules électriques, les constructeurs espèrent bénéficier de ses crédits carbone excédentaires et ainsi réduire leur moyenne d’émissions. Selon des données de la Commission européenne, ce regroupement représenterait 33 % du marché automobile global et 30 % du marché des véhicules électriques en Europe.
Tesla, un allié stratégique mais insuffisant
L’apport de Tesla pourrait permettre aux membres du Superpool de se rapprocher des seuils fixés. Will Roberts, analyste chez Rho Motion, estime que les émissions moyennes des constructeurs du pool pourraient descendre à seulement 4 g/km au-dessus de l’objectif grâce à Tesla. Cependant, cela ne suffira pas forcément à éviter toutes les pénalités, notamment si Tesla enregistre une baisse de ses ventes en 2024 par rapport à 2023.
Par ailleurs, certains constructeurs comme Toyota, Subaru et Mazda accusent un retard dans le lancement de modèles 100 % électriques, ce qui limite l’impact des crédits carbone sur leurs émissions moyennes. À titre d’exemple, Toyota, qui vend trois fois plus de voitures que Tesla en Europe, voit l’effet des crédits carbone largement dilué par la taille de sa flotte.
D’autres alliances en cours dans l’industrie
Outre le Superpool envisagé par Toyota et ses partenaires, d’autres constructeurs explorent des stratégies similaires. Mercedes-Benz, qui dépassait de 17,3 g/km son objectif en 2024, s’est associé à Volvo, Polestar et Smart. Ce regroupement, représentant 8 % du marché automobile européen et 20 % du marché des véhicules électriques, reste toutefois moins ambitieux que celui de Tesla et ses alliés.
En revanche, certains grands noms, comme Volkswagen, Honda, BMW, Renault ou Hyundai, hésitent encore à rejoindre des pools pour 2025, malgré le risque de sanctions financières importantes.
Tesla et le marché lucratif des crédits carbone
En Europe, les crédits carbone constituent une source de revenus significative pour Tesla. Sur les neuf premiers mois de 2024, ces ventes représentaient environ 3 % de son chiffre d’affaires global de 72 milliards de dollars. Selon les analystes d’UBS, Tesla pourrait générer plus d’un milliard d’euros en 2024 grâce à ses crédits en Europe.
Une pression réglementaire croissante
La stratégie de pooling permet aux constructeurs de gagner du temps pour se conformer aux exigences environnementales, mais elle ne suffit pas à résoudre le défi de l’électrification rapide des flottes. Luca De Meo, PDG de Renault, a averti que les amendes pour non-conformité pourraient atteindre 15 milliards d’euros pour les constructeurs européens en 2025.
Si Tesla reste un allié clé pour de nombreux groupes, le succès de cette approche dépendra de leur capacité à accélérer la transition vers des véhicules zéro émission, sous peine de subir des sanctions record dans un contexte réglementaire de plus en plus exigeant.